Temps de pause réflexive et d’échange avec des experts, la Rencontre professionnelle des Ressources Humaines de Proximité est un nouveau rendez-vous qui a pour objectif d’encourager les personnels, et en particulier les cadres, à se perfectionner dans leurs pratiques professionnelles et à appréhender les concepts relatifs à la préservation de la santé et de la qualité de vie au travail.
La première Rencontre avait pour thème : « Mobiliser l’intelligence collective au travail pour construire une co-vision ». Il s'agissait d'aborder les concepts qui permettent de renforcer le collectif de travail formé par la ligne managériale par le biais de la construction d’une co-vision dynamique et de mettre en œuvre des conditions propices à la mobilisation de l’intelligence individuelle et collective des personnels au travail.
La matinée s’est déroulée autour de deux temps forts. Le premier a concerné quatre partages d’expériences très riches, de deux chefs d’établissement, Jocelyne NESTAR, Proviseure du LP Gerty ARCHIMEDE, et Gilles GANE, Principal de la Cité scolaire d'excellence sportive, ainsi que de deux cadres administratifs, Laeticia LEBRAVE, Directrice opérationnelle du GRETA de Guadeloupe, et Miguel MARILLAT, Directeur des Systèmes Informatiques. Ils ont partagé leurs expériences sur les espaces de discussion, la reconnaissance, les marges de manœuvre et la coopération.
Le second temps fut consacré à la conférence de Valérie GANEM, Maître de conférences à l’université Sorbonne Paris Nord et responsable de la filière pédagogique de psychologie du travail du CNAM Guadeloupe intitulée « Les conditions favorables à la mobilisation de l’intelligence dans le travail ».
Un thème qui a suscité des débats forts intéressants autour de l’intelligence collective et de la co-vision, indispensables au bon fonctionnement de nos structures.
Cette action a été coordonnée par Yannick Auguste-Plumain, Psychologue Conseillère RH de Proximité et Fabienne Condo, Directrice de la communication, sous l'impulsion de Frédérique MICHAUX, Secrétaire Générale Adjointe, Directrice des Relations et Ressources Humaines.
Synthèse des interventions
Retrouvez la synthèse des interventions par le grand témoin, Marylène TROUPÉ, Maître de conférences à l’Université des Antilles, Directrice du CNAM Guadeloupe
Partages d’expérience sur les espaces de discussion, la reconnaissance, les marges de manœuvre et la coopération
- Gilles GANE, Principal de la Cité scolaire d'excellence sportive a la profonde conviction que la libération de l’expression des personnels au travers d’espaces de discussions passe par 3 dimensions. La dimension relative à l’espace mental concerne la diffusion de documents par divers canaux (directs et indirects) et la possibilité offerte aux personnels de mettre en place des projets donnant toute légitimé au rêve, laissant un peu de côté le quotidien. La dimension relative à l’espace cadre permet de ne pas s’en tenir qu’à des points de rassemblement institutionnels. La dimension relative à l’espace lieu permet d’introduire des lieux de rencontre éphémères tel un préau, mais qui permettent d’apporter une approche différente et constructive de la prédisposition à l’échange. Il convient de noter qu’il n’y a pas d’espaces dédiés aux rencontres de personnels au sein de la Cité scolaire d’excellence sportive.
- Jocelyne NESTAR, Proviseure du Lycée professionnel Gerty ARCHIMEDE, met en avant la nécessité qu’il y ait une confiance mutuelle pour positionner la reconnaissance des personnels à travers le travail réalisé. L’observation, l’écoute, le positionnement de chacun des collègues de l’équipe de fait pluri catégorielle comme membre collaborateur permet de créer l’esprit collectif. La contribution de chacun est décelée, reconnue et mise en valeur comme étant indispensable au fonctionnement de l’établissement, indispensable à la réalisation d’actions valorisées sous le vocable de « chefs d’œuvre des personnels » et matérialisées par exemple par une lettre ou attestation pour chacun des personnels concernés.
- Par sa caractéristique professionnelle, Miguel MARILLAT, Directeur des Systèmes Informatiques de l’académie, a apporté une dimension d’approche technique pour exprimer la marge de liberté laissée aux personnels dans l’organisation de leur travail. Pour ce faire, deux axes sont considérés. Le premier axe est celui de la vulgarisation, avec un accompagnement à l’utilisation, à la prise en main des outils pour que les personnels ne s’inscrivent pas uniquement dans un environnement technique, mais dans un environnement « utilitaire ». La participation à des séminaires thématiques contribue à la prise en main de nouveaux services. Le deuxième axe concerne la nécessaire obligation de continuité d’activité pour la direction des services informatiques qui est mise en place dans le cadre d’une démarche volontaire des personnels. Une attention particulière est portée à la réduction de concentration d’expertises, à la valorisation du travail collaboratif par exemple au travers de l’inscription des activités dans une fiche de mission, à la gestion bienveillante du temps de présence. Ces dispositions permettent de parvenir à une position de volontariat de personnels pour la gestion des situations d’urgence ou des situations délicates.
- Laeticia LEBRAVE, Directrice opérationnelle du GRETA de Guadeloupe, structure institutionnellement rattachée à l’académie mais à gestion autonome, considère que pour favoriser la coopération plutôt que l’obligation des personnels à coopérer, il convient de porter une attention particulière à l’identification des besoins individuels. L’obligation vient de procédures, mais l’engagement de la part des personnels est à positionner dans un cadre collectif en y apportant une dimension personnelle (écoute, reconnaissance). La dimension entrepreneuriale de la structure amène à un besoin d’accompagnement par des spécialistes.
Conférence « Les conditions favorables à la mobilisation de l’intelligence dans le travail »
par Valérie GANEM, Maître de conférences à l’université Sorbonne Paris Nord et responsable de la filière pédagogique de psychologie du travail du CNAM Guadeloupe
Le fait de mobiliser individuellement et collectivement permet plus facilement de préserver la santé mentale au travail, laquelle est nécessaire à l’efficacité : « ne pas obliger, mais sensibiliser à ».
La différence entre « coopération » et « collaboration » a été introduite, la « coopération » consistant en la mobilisation de l’«intelligence collective ».
Le travail est une activité déployée avec une description, une prescription, mais la réalité se présente de manière inattendue, et l’humain doit pouvoir réagir, doit pouvoir sortir de l’exécution, doit donc pouvoir utiliser son intelligence (doit se « débrouiller »).
Le terme « ingéniosité » introduit l’utilisation de l’intelligence du corps, de l’intelligence du travail, de l’intelligence pratique : cette intelligence est subversive. Puisque travailler c’est faire face à l’inattendu, il est possible de tomber en infraction, et il y a alors un risque. Tout individu a de l’ingéniosité, mais il peut ne pas vouloir la mobiliser. L’exemple du Taylorisme a été cité au travers de l’ingéniosité pour bien faire ou pour saboter.
Avoir une satisfaction psychologique, avoir un métier qui correspond à sa culture mentale, avoir une personnalité stable contribuent à ne pas exposer son corps au danger dans le cadre de son travail. Il y a en effet une dimension périlleuse à exercer un métier qui ne plait pas, aspects pouvant être développés dans le cadre de la psychodynamique du travail.
Sous l’angle de la « dimension symbolique », il convient d’être convaincu de l’utilité de son travail pour la société, pour le secteur social, … Il convient d’avoir un travail qui valorise (satisfaction, possibilité de faire carrière, possibilité d’avoir une autre activité si souhaitée, …).
La « reconnaissance », qui correspond à la formulation d’un jugement (positif ou négatif) sur un travail accompli est la première rétribution attendue quand un effort d’ingéniosité a été réalisé. L’indifférence est dans ce contexte la pire des situations.
Le préalable est l’approche citoyenne, ce qui doit être jugé c’est le travail accompli, et le jugement formulé doit permettre de construire et consolider le mental.
Trois types de jugement peuvent être introduits :
- le « Jugement de beauté » entre pairs, qui est le meilleur moyen de valoriser le travail réalisé,
- le « Jugement d’utilité » par les chefs, les supérieurs, les réseaux…,
- la « Gratitude des clients » (ou des usagers), qui peut s’avérer périlleuse si seul ce jugement est considéré (cela peut-être la porte ouverte au burn-out).
La coopération est « supérieure à l’individuel », elle est difficile à construire, elle est précieuse, elle est facile à détruire, ... (Il faut remercier,…).
La « confiance », qui peut mettre du temps à s’installer, est inter dépendante avec la coopération : a priori, on se méfie. La confiance est synonyme de régularité des conduites de l’un envers l’autre, et elle est très fortement basée sur le partage de règles coconstruites, bien au-delà des règlements intérieurs, … Il s’agit d’une co-construction de l’informel, et les règles de cette co-construction relèvent de plusieurs dimensions :
- la dimension éthique, la dimension sociale, la dimension technique (avoir des « ficelles » pour réaliser, …), la dimension langagière.
Les règles changent, et il existe des stratégies collectives de défense, …
L’existence d’« espaces de discussion » doit permettre d’introduire des lieux favorisant la « parole authentique », l’« écoute risquée ». Il ne s’agit pas de forcément vouloir entendre ce qu’on veut entendre. Ces espaces de discussion sont stratégiques.
A l’issue de la conférence, le retour sur le quizz intitulé « On déconstruit les préjugés ! » a permis d’avoir la tendance du point de vue des présents, et en particulier d’indiquer qu’il est possible de coopérer tout en cherchant à être le meilleur.
Les échanges avec la salle
Dans le cadre des échanges avec la salle, les points suivants ont été considérés/discutés :
- même bien construit, un produit académique ou standard (règlement intérieur, rapport, note de procédure, …) est nécessaire, mais peut s’avérer insuffisant ;
- la reconnaissance et la contribution irremplaçable des « travailleurs »,
- la possibilité de donner son point de vue (tout en évitant de passer du temps à construire puis à vouloir revenir à de l’individuel) ;
- le positionnement du jugement (avec une vue subjective) par rapport à l’évaluation (plus cadrée mais qui renvoie à l’observable et qui ne retrace pas forcément l’effort consenti) ;
- la difficulté à allier « parole authentique » et « écoute risquée » ;
- la problématique de la confiance ;
- la dualité « coopération / collaboration » et la mise en place de la co-construction, le mot « collaborateur » pouvant éventuellement renvoyer à une vision négative ;
- l’importance dans le cadre d’un fonctionnement mais aussi de reconnaissance, qu’il y ait une complicité.
Mise à jour : janvier 2023